Ecritures

Carnet de bord - une petite souris
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11 - Back to Truby

28/03/2014

Aujourd’hui, et contrairement à ce que j’ai écrit hier, j’ai décidé de me replonger dans l’incroyable bouquin de Mr Truby. Les chapitres que j’avais lu m’avaient permis de bien progresser, et je me suis dit que le reste du bouquin pouvait m’éviter certains écueils. Hé oui, un mec qui a bossé sur les scénarios pendant toute sa vie a sans doute quelques autres choses à m’apprendre.

Alors me revoilà après un petit déjeuner énergique replongé dans la lecture de ce bouquin avec mon cahier, mes stylos et une petite nouveauté : des mini post-it qui permettent de marquer les chapitres. On s’organise.

Un petit mot sur le petit déjeuner énergétique : un cup-cake rempli de sucre et un café plein de caféine. Un livre plein de savoir, et un état d’esprit plein d’espoir. 

Step 1 : back to the basics

Je reviens aux fondements de mon histoire, les formalise sur papier. C’est un bon exercice. Il faut y revenir souvent je pense. Retrouver le centre de l’histoire pour être sur de ne pas s’égarer.

Step 2 : 2 steps forward

Je lis ensuite les chapitres dédiés à l’univers du récit et au réseau de symboles. Dans les deux cas, le principe est le même : il faut connecter l’ensemble de l’histoire à ce que vit le personnage. L’univers du récit, c’est-à-dire le monde que l’on crée dans l’histoire, et les symboles qui interviennent pendant l’histoire sont une extension du personnage. Voilà pourquoi Anakin Skywalker a grandi sur une planète aride, exploité par une espèce de personnage ailé avec un gros pif. Anakin est un être au cœur aride comme sa planète, et c’est cette grande faille qu’exploitera l’empereur. Celui du côte obscur. Pas celui de la marche de l’empereur. Si Anakin avait grandi chez les Teletubbies, l’empereur aurait eu sur lui une emprise beaucoup plus faible j’imagine.

Truby qualifie ces deux axes de l’histoire comme des « condensateurs / extenseurs » du héros.

Ils condensent de l’information et permettent d’aller à l’essentiel et de permettre à l’histoire de garder un rythme. Extenseur car ils sont une extension du personnage et des transformations qu’il vit.

Ce que j’adore dans la démarche de Truby, c’est que les symboles et les lieux évolueront en même temps que le personnage. C’est ça la grande aventure de l’histoire : voir en quoi le héros, en avançant vers son objectif, va modifier le monde autour de lui. C’est cela qui me meut. Et il écrit cette phrase qui me marque, et que je marque : Une bonne histoire est une trame tissée de nombreux fils qui créent un effet des plus puissants. Voilà pourquoi je préfère Star Wars à Fast and Furious 4 je pense.

L’univers du récit :

Le chapitre développé par Mr Truby est dense et présente énormément de possibilités pour l’univers du récit : il y détaille les décors naturels et les liens qu’ils entretiennent avec le héros, et avec le lecteur. L’océan, l’espace, la forêt, les déserts, les montagnes et les rivières ont tous des significations différentes que l’on pourra relier au héros. Il n’y a pas de recette toute faite pour employer ce type de lieux. Ce sont des éléments à avoir dans sa boite à outil de créateur. L’intuition fait le reste et adapte le contexte à ce que vit le héros.

Il en va de même pour les espaces artificiels comme les maisons, buildings, usines et autres parkings. Et pour un dernier élément : les outils utilisés par les personnages qui représentent leur capacité à manœuvrer dans le monde. Au début de mon histoire, les objets sont surtout des armes. Ce sont des outils de pouvoir et de contrainte. Car c’est ainsi que manœuvrent les régimes totalitaires.

 

Le réseau de symboles

Il y aurait un très long développement à faire sur les symboles. Mais pas aujourd’hui.

  

 

Step 3 : looking backwards, moving forward.

De manière assez naturelle, le monde que j’ai développé correspond bien à la faille du personnage. C’est rassurant. J’en suis content, et pas très étonné : ce récit sort de profond, il est cousu de quelques fils déjà. Les symboles utilisés sont assez cohérents, même s’ils sont assez rares je trouve.

La lecture du livre donne des outils pour créer d’autres fils magiques qui vont relier les différents éléments de l’histoire. C’est un incroyable carburant pour le cerveau. Je note comme toujours les idées au fur et à mesure qu’elles viennent. J’ai le sentiment que d’écrire à la main permet de mieux ancrer les idées dans la tête. Deviendrais-je un adepte de la mémoire du corps ?

Je pensais hier reprendre les premiers points du scénario : je me rends compte que j’ai besoin de travailler l’ensemble de l’histoire sur les différents aspects. Truby présente un outil qui permet de formaliser le scénario. Ce sera le thème d’un prochain article.

 

Deux mots sur la pédagogie

Le livre fourmille d’excellents exemples qui permettent de connecter la théorie à une réalité vécue : celle d’histoires que j’ai déjà vues. Il répond parfaitement à la question : « pourquoi les histoires qui me meuvent me meuvent ? ». En écrivant cette phrase, je pense aux vaches Salers de mon beau pays. Je trouve que c’est une pédagogie formidable : toujours relier la théorie à l’expérience vécue. Parce que, malheureusement, je ne suis pas un ordinateur.

Déconnectée de toute réalité, la théorie a pour moi une saveur incompréhensible, et des études d’ingénieur ont été un bon moyen de m’en rendre compte. J’ai pu sentir la différence entre deux modes d’enseignement différents.

Autre axe pédagogique fort : j’apprécie particulièrement la lecture de ces chapitres parce que j’en ai besoin. Et j’y passe l’équivalent d’une journée de travail, complètement absorbé. Sans ce besoin fondamental, celui de poursuivre mon histoire avec les meilleurs outils qui existent, je n’aurais pas été capable d’une telle attention. Je n’aurais pas éprouvé un tel plaisir. Comme dit le proverbe, on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. C’est aussi vrai que je m’appelle Hihan (version de mon neveu de deux ans du prénom Lilian).

 

Sensation à la fin de la journée

En fumant une cigarette, le regard perdu dans le feuillage d’un grand arbre en fleur, et d’un autre en feuilles, je suis perplexe. J’ai appris pleins de choses, j’ai densifié l’histoire, et je n’ai rien écrit.

C’est une petite déception de ne pas avoir avancé plus vite. Ah, ce bon vieux fantasme de la vitesse qui a nuit à plus d’un éjaculateur précoce. J’ai construit sur du long terme, comme j’aime le faire : m’assurer que les fondations sont solides, pour cette histoire. Et pour les autres à venir.

Oui, aujourd’hui, j’ai continué à couler les fondations d’un édifice que je veux stable.

Des fondations coulées en bronze. Pour un édifice fucking.

 

Open up, open up

On m’a conseillé deux bouquins dernièrement. J’envoie mon amazone (industrielle) les chercher.

Il s’agit de l’aspect du mythe de Mircea Eliade et de la poétique de l’espace de Gaston ‘yaltelefonkison’ Bachelard dont Mr Truby s’inspire largement, le sale copieur, et cite le passage suivant qui conclura cet article :

Quand on crée le bon monde pour son histoire, on plante certaines graines qui germeront et se développeront dans les cœurs et les esprits des lecteurs ou spectateurs et les toucheront profondément. 

10 - Premières lignes

27/03/2014

Je me lance dans l'écriture le lendemain. Au matin.

 

C’est parti. Je ne fais pas de plan : le scénario existe dans ma tête. Il ne comporte pas encore tous les détails, mais je sais où je veux aller. C’est ça se jeter à l’eau : s’assurer d’abord que le courant n’est pas trop fort et qu’elle est assez profonde pour faire la bombe sans finir en fauteuil.

Et y aller. Sans prétention. Juste parce qu’il le faut. Qu’on le sent au fond de soi et que d'autres le confirment.

 

 

1. L'énergie qu'apporte les autres. 

L'énergie qu'apportent les autres, c'est quelque chose quand même. Quand j'ai ressenti cet élan créatif pour la première fois, j'étais au Canada, pays non pas des élans mais des caribous. Bouh qu'elle est mauvaise. J'étais assez isolé, et j'ai assez peu fait part de mes intentions créatives. Avec bientôt 10 ans de recul, je me dis que c'était une superbe erreur de jeunesse. Ceux qui arrivent à créer seuls existent, certes. Et ceux qui arrivent à créer parce qu'ils reçoivent l'aide des autres sont encore plus nombreux. 

Je n'ai jamais lu un livre où, à la page des remerciements, l'auteur a écrit : "Merci à moi et à moi tout seul."

 

J'en ai fini avec le mythe du penseur solitaire génial déconnecté de tout et de tous. Je crée parce que je suis inspiré par ce que font les autres, parce qu'ils éveillent une étincelle de vie en moi. Je crée aussi parce que certains d'entre eux croient en moi, m'écoutent et me conseillent dans les moments de doute. Me bottent le cul quand je me mets à rêver que mon stylo va devenir autonome dans l'écriture. Je crée parce que j'ai envie de communiquer. Parce que j'ai envie de parler des gens. 

 

Un groupe d'une vingtaine de personnes m'a donné une énergie folle pour écrire. Je viens d'ailleurs de passer la journée à travailler pour eux, pour nous, parce que ça aussi ça me fait vibrer. Il s'agit d'une chorale d'une trentaine de chanteurs. Une chorale participative qui répond au doux nom de Zinnechoeur. Participatif, ça veut dire qu'en plus de chanter chacun s'implique dans la vie du groupe à la hauteur de ses moyens et de ses envies. Tu aimes dessiner ? Dessine. Tu aimes organiser ? Organise. Tu aimes marcher sur la tête des gens ? Va chanter ailleurs. 

Pendant cette période d'écriture de scénario, l'énergie du groupe m'a beaucoup apporté. Un projet créatif commun, c'est quelque chose de très beau à vivre, je ne le savais pas. Nous sommes partis d'une feuille blanche sur laquelle chacun a rajouté sa touche. Une belle histoire prend forme avec toutes ces touches de couleur. Et parfois, nous relevons la tête et nous nous regardons, heureux. 

Ce groupe m'a donné un espoir tout neuf en ce que les hommes et les femmes sont capables de construire ensemble. Pour l'instant, je connaissais surtout le fonctionnement d'entreprises très hiérarchisées avec un management qui accepte très difficilement que les idées viennent d'en bas. 

je vis l'expérience d'un groupe très différent. Pas vraiment de chef. Pas de nécessité de laisser les idéaux, les émotions et les envies au vestiaire. De vivre la schyzophrénie classique d'un employé de bureau dans une entreprise dont l'idéal n'est pas idéal, et dont le fonctionnement ressemble peu ou prou à celui d'une grosse machine avec des êtres humains en guise de rouage.

 

Ici il y a la possibilité de s'exprimer sur tous les sujets, de partager. Et de prendre de belles cuites en racontant des blagues grasses. Quel régal. Je sais que c'est possible aussi dans le monde de l'entreprise. Même pour les cuites et les blagues. Seulement je n'en ai pas fait l'expérience jusqu'alors. 

 

 

2. Début de l'écriture : reco-naissance et besoins naissants

J’écris dans le salon pour commencer. 

Je file à Nancy à la rencontre de mon passé et de mon futur. Prenons la moyenne des deux : à la rencontre de mon présent. 

J'écris pendant le covoiturage.

Sur le place Stanislas à Nancy.

Dans le restaurant à la serveuse peu souriante dans la grand rue.

 

Et, au fur et à mesure que j'écris, j'ai besoin de visualiser ce que je raconte. j'ai besoin de le visualiser car des images apparaissent dans ma tête, et aussi parce que j'ai besoin d'un cadre dans lequel mon histoire pourra évoluer. Je risque de partir une nouvelle fois dans tous les sens si je ne fige pas l'habitat des souris une bonne fois pour toutes. Et le fonctionnement de leur système.

C'est un risque très fort dans mon  histoire : je crée la plupart du monde des souris de toute pièces. C'est la grande liberté que j'ai pris en écrivant sur elles plutôt que sur nous. C'est un terrain d'expression immense. C'est une grande forêt où je peux me perdre. Il y a un ogre qui habite là dedans, et une chiée de loups aussi.

Je dois mettre des barrières, cadrer mon histoire, sinon je vais me perdre et me faire manger. C'est que c'est beau, l'expérience.

 

Je trouve d'habitude très difficile de poser les barrières. Je n'aime pas choisir. Choisir c'est perdre m'a-t-on dit maintes fois. Et c'est vrai, en choisissant l'option A, on perd l'option B. C'est super emmerdant. 

La différence désormais est que je sais où je veux aller : il ne s'agit pas seulement du scénario. Ce sont aussi les valeurs que je veux véhiculer dans mon histoire qui sont très claires. Mon choix n'est en rien une perte : je choisis les meilleures options pour raconter ce qui me semble juste au fond. Et ce n'est pas pour rien que j'ai fait cette immense digression sur le fonctionnement participatif d'une chorale. Ca fait partie des choses et des gens qui me touchent, les coquins. 

 

 

3. Une solution instinctive

Je fais le cheminement intellectuel a posteriori. Car sur place, j'ai été guidé par mon intuition qui m'a dit : Je dois dessiner.

Alors je m'écoute. Je laisse mon intuition me guider. Mon intuition féminine. Exactement. J'ai quelques notions de perspective, de dessin technique, et je sais dessiner Pikachu si je m'applique. 

C'est largement suffisant pour permettre à mes idées de se formaliser, pour me représenter l'espace. Bien sur, j'aimerai que les dessins prennent de la force et de la profondeur. Je n'ai pas ces compétences, je demanderai peut être un coup de main à d'autres.

Mes dessins sont un outil de travail : ils me permettent d'imaginer et de figer le monde des souris. Et je peux y revenir, pendant l'écriture. Je fais une carte, un cadre. J'espère que vous aimez aussi ces quasi anagrammes. 

 

Si le scénario est la colonne vertébrale de mon histoire, je dois désormais créer les tendons, les muscles, la peau, les poils, et j'arrête ici cette liste sinon ça va dégénérer. 

Une autre métaphore me semble mieux adaptée. Le scénario est l'embryon qui va permettre à l'histoire de se développer. Et en écrivant, ce sont autant de cellules qui apparaissent, qui s'assemblent en organes, qui s'assemblent eux mêmes en systèmes, digestif, respiratoire, nerveux. 

 

 

4. Quand les choix sont orientés

 

Je pense que choisir, et accomplir la multitude de choix que demande la création était difficile pour moi tant que je ne savais pas ce que je voulais y raconter, quels thèmes je voulais aborder, quelles valeurs profondes m'animent. Et tant que je n'avais pas mangé quelques murs, acquis quelques points d'expérience. 

 

Un jour, je demanderai à une personne que j'ai fort remué avec ça pendant toute cette période d'écrire un article. Son titre : l'émergence des valeurs dans une période de crise existentielle vue depuis l'extérieur. Il y aura peut être plusieurs auteurs associés en fait.

 

 

5. La création n'est pas la logique

 

La route est plus claire maintenant : et ça tombe bien, parce que le travail de création à accomplir est énorme. Des personnages, une intrigue, des dialogues, des rebondissements, un environnement... Vu de loin, cela m'a toujours paru énorme de complexité et je ne comprenais pas comment une histoire pouvait sortir de terre. Je ne comprenais pas quel processus logique le permettait. Quels tableaux excel il fallait développer, avec quelles informations. Comment tisser l'intrigue, etc. 

 

Et si je ne comprenais pas, c'est que je heurtais un mur : la logique est loin de tout expliquer dans la création. C'est une condition nécessaire (et encore) mais non suffisante. Une histoire est le produit fini d'un travail profond qui va bien au delà de la simple logique. Enfin, une bonne histoire. 

C'est pareil pour l'humour. Allez chercher la logique derrière l'humour, et vous verrez à quel point c'est moins drôle. Quand je pense à tous ces jeux de mots que j'ai du justifier dans ma vie. J'ai eu l'impression de les entendre agoniser à chaque fois que je commençais mon explication. 

 

 

6. Un mot sur ce qu'il y a chez les souris

 

Je parle de ce que j’ai écrit à mon ancienne prof de philo que je suis venu visiter. C'est elle qui m'a parlé de ce merveilleux bouquin de CG Jung : l'Homme et ses symboles. Ne pas confondre avec l'excellent ouvrage de Rémi Bricka : l'homme et ses cymbales. 

 

Je lui montre les dessins faits il y a une heure. Attention c'est pas sec !

Elle m'explique que certains régimes totalitaires ont mis en place la même chose. Je suis heureux : j’ai eu les mêmes idées que les nazis ! Comprenez moi bien, c’est justement celles-là que je veux dénoncer. Je veux montrer les deux potentialités de l’être humain. La sombre et l’autre. C'est ce que fait si bien Mr Schmidt dans la part de l'autre. Son roman raconte la double vie d'Adolf Hitler : celle qu'il a eu, et celle qu'il aurait pu avoir si il avait réussi le concours d'entrée aux beaux-arts. 

 

Alors je continue à écrire dans le joli bar près de la gare. Je pensais être fatigué. Je crée la chair de mon histoire pendant encore deux heures. Le noyau est suffisament solide pour supporter le développement de nouvelles branches, de feuilles, de bourgeons et de glands. C’est une merveille de voir grandir cet ensemble. Je n’avais au fond aucune idée des scènes.

 

Et Benoît avait raison : on est aussi créatif en écrivant.

 

 

7. Ecriture, suite

J’ai écrit avant-hier et hier. Les branches poussent. 

Ecrire l'histoire, par rapport à l'écriture du scénario, c'est le travail du détail. C'est pour celà qu'autant de choses apparaissent. L'histoire croit, et la croissance n'est pas une chose facile à gérer en tant qu'auteur. D'un scénario qui paraissait limpide car il ne comportait que les grandes lignes, on passe à une histoire qui pousse en tous sens. Vers l'avant certes, mais parfois aussi vers l'arrière. Il y a des moments où il faut ré-orienter, mettre un tuteur, faire tomber une branche qui meurt, couper. 

 

J'essaie tout autant de :

  • ne pas vivre cela comme un échec que de 
  • ne pas reproduire des erreurs que je pourrais éviter. 

 

Pour le premier point, celà va mieux depuis que je sais que la logique n'est pas tout. Je reconnais l'intérêt d'écrire pour préciser les idées, créer l'univers, les personnages. Celà a forcément des conséquences sur le scénario. Encore une fois, ce ne sont pas deux systèmes indépendants. Il faut seulement trouver une relation saine entre les deux. 

 

Pour le second point, je dois me servir de l'auto-apprentissage pour construire ma méthode. 

 

 

8. Méthode pour profiter des phénomènes de "croissance inversée"

 

Je livre ma réflexion au fur et à mesure. 

 

C'est très intéressant : j'avais commencé par écrire "méthode pour affronter les problèmes de croissance inversée". Certes, c'est un peu embêtant ce phénomène, on préfère aller en ligne droite vers l'autre ligne, celle d'arrivée. Alors ça rend un peu grognon et je me dis "hé merde qu'est-ce que je vais faire de ça ?". 

 

Pourtant, ce phénomène est une formidable source de créativité. Il fait partie de ces moments où se créent les fils invisibles qui se tissent au sein de l'histoire et qui la rendent plus cohérentes. Je ne connais pas de recette miracle pour les faire apparaître tous d'un coup, dans l'ordre. Je peux juste m'émerveiller devant le fait qu'ils apparaissent. 

 

Les mots "affronter" et "problème" traduisaient mon état d'esprit. C'est comme ça que je les voyais. En écrivant que je souhaite "profiter des phénomènes", je m'oriente très différemment. Dans la joie et la bonne humeur. Youplaboum !

 

 

Après une scène d'une dizaine de pages, je me suis rendu compte qu'un personnage devait avoir un lieu de filiation avec un autre. Celà modifie considérablement la manière dont j'ai écrit l'histoire. il faudra que je reprenne tout le texte pour apporter cet élément, et d'autres encore. 

J'hésite à reprendre l'intégralité du texte tout de suite. Celà me rassurera certes, mais risque de me faire perdre un temps précieux. Mon énergie ne réside pas encore dans le travail du détail, dans la finalisation. Je suis dans une phase intermédiaire entre le scénario et l'écriture du détail. Je pense donc que je ne dois pas faire ce pénible travail de correction de texte. En revanche, je dois corriger mon scénario. Je dois le préciser et le rendre intelligible à moi même.

Celà me permettra j'espère de ne pas perdre ma belle énergie, et de ne pas me perdre dans les détails non plus. 

 

Il en va de même pour une scène assez complexe qui fait intervenir de nombreux personnages au contours mal définis. je vais essayer la même chose : figer le scénario, et laisser la ré-écriture pour plus tard. Et peut être que je ne peux pas figer tout de suite ces personnages. Peut être qu'ils se définiront plus tard, dans d'autres scènes et que lors de la ré-écriture, j'aurai beaucoup de facilités à tisser ensemble tous ces fils. 

 

Ma démarche est nourrie par plusieurs courants :

 

  • Ecouter ce dont j'ai envie pour l'instant : c'est à dire avancer dans l'histoire sans me perdre dans les détails ou dans le scénario. 
  • De la biodynamie : permettre la croissance des plantes ou des histoires en les influençant de manière subtile. Ne pas mettre une tonne d'engrais pour faire pousser les idées vite et fort. Laisser la nature faire son oeuvre et l'accompagner. 
  • De l'analyse de risques aussi : si je réécris tout maintenant, et que j'observe le même phénomène dans 10 pages, je vais être dégoûté. Ca me rappelera cette commune près d'Aurillac qui avait refait la chaussée juste avant de refaire les canalisations. Ils ont fait du neuf. Ils ont tout cassé une semaine après. J'avais moins de dix ans. Ca m'a profondément marqué, surement autant que le budget de la mairie.  Pour ne pas prendre de risques, je dois aussi formaliser mon scénario "updated".

 

Je dois aussi trouver un moyen d'écrire ces extensions du scénario. Je vais continuer avec des feuilles blanches et un stylo. Ca me semble assez sain. 

 

 

 

9. Connexion entre le carnet de bord et l'histoire.

 

Ce matin en me levant, j’ai pensé à faire un journal de bord pour raconter cette aventure. Après un premier jet intense, j'ai repris et complété les différents textes, et voilà. Je viens aussi d'écrire les points 7 et 8 qui m'ont permis de prendre du recul sur mon histoire et la manière dont je pourrais avancer.

 

Le journal de bord est une extension de mon histoire. C'est son frère cadet. 

Ils semblent très différents, mais ils sont, au fond, presque pareils. 

9 - Février 2014 - Scénario, après la première vague

26/03/2014

L’atelier d’écriture m’aide toujours ; énormément. C’est l’école de l’humilité, et je suis à chaque fois passé au rattrappage dans cette matière.


C’est les vacances pour l’atelier « normal ». Nous faisons une séance chez moi, à 5. Les premiers de la classe se regroupent.

Ca tombe bien, nous dédions cette séance aux scénarios. C’est le lendemain de ma révélation catartique qui m’a cassé la cataracte.

 

J’aime voir les scénarios des autres. La théorie de Mr Truby s’applique vraiment bien sur toutes les histoires. Je crois qu’il y a très peu d’exceptions au fond. Je manque sans doute de pédagogie dans mes conseils. Je ressens cette énergie toute neuve, elle est difficile à maitriser. 


Viens mon tour de présenter. Je suis euphorique, et là aussi, l'énergie est dure à canaliser. J'aurais tant à dire, tant de liens à faire, d'explications à donner. Et puis, au fond, je veux qu'on reconaisse mon travail, ma grand oeuvre. Elle a une importance particulière pour moi, je voudrais qu'il en soit de même pour les autres.

Avant l'atelier, j'espère ne pas écraser les autres sous le poids de mon scénario. Je suis vraiment un gros con dèsfois. C'est à peu près le retour que me fait l'amie à qui je le raconte. L'autre facette de la réalité, c'est que j'ai envie qu'on admire mon scénario. 

 

Je reçois des remarques intéressantes de la part de mes camarades.

J’entends que je suis trop ambitieux pour l'atelier : il ne reste que quelques séances, je n'aurai pas le temps de tout faire. C'est exact, mais tant pis. J'ai enfin trouvé un scénario qui me plait, je ne vais pas le laisser tomber comme ça. S'il faut du temps, je le prendrai. Mon scénario semble "compliqué". Dans ma tête, il est clair. 

J’entends aussi que mon héros n’est pas si net dans ses contours, et que le monde que j’ai dépeint est un peu trop noir. Mon héros est trop blanc. Je me vexe un peu je pense. Et en me vexant, je comprends qu’il a raison. C’est pratique de se connaitre. Je note les remarques sur mon cahier. J'y reviendrai quand j'aurai cessé de bouder. 


Le soir, après avoir ravalé ma frustration de ne pas avoir été encensé par mes pairs dont aucun ne m'a demandé un autographe, je relis mes notes. Oui, ces remarques sont justes ; le monde sera un peu moins noir. Et mon héros sera un peu moins tout blanc. Il ne sera pas blanc du tout. Il sera arrogant.

 

La catharsis continue.

Il sera arrogant ET ce sera un bon coup. Voilà. Je me réconcilie avec moi-même.

8 - Mars 2014 - Une lente évolution

25/03/2014

Dès lors, mon scénario évolue lentement.

 

Des idées s’agrègent petit à petit, mais le gros œuvre semble passé. Je n’ai pas envie de me mettre à l’écriture encore. J’ai l’impression qu’il manque quelque chose. Je ne sais pas quoi. Pour l’atelier d’écriture suivant, je dessine. J’ai envie de faire passer le monde des souris sous forme dense. J’ai besoin de me représenter les choses. Et que mes camarades, ils ne sont pas communistes, aussi.

 

Je commence à penser que le film d’animation sera le moyen le plus puissant de faire passer cette histoire.

 

je synthétiserai le retour de la prof Allemande dont j’ai oublié le nom en deux points. Il y a du potentiel. Tu dois écrire quelque chose. Même un tout petit peu. Elle a raison. Je le sais : je me suis vexé. Mais un peu moins qu’avant.

 

On se trouve toute les raisons de ne pas écrire. Certaines sont très bonnes. Travailler pour un groupe de gens qu’on aime, aller faire les courses, aller dire au revoir à sa psy parce qu’on sait qu’on est guéri ou écrire un nouveau scénario pendant 3 heures en se demandant bien ce qui se passe, et comment cet ensemble organique a pu se construire dans les back rooms de la conscience, et exploser comme ça un matin, en pyjama. Mon rêve m’avait annoncé un messager humain dans le monde des souris. Un messager qui venait d’un monde que je ne connaissais pas. Comme d’une histoire dont je n’avais pas conscience… Ce nouveau scénario est plein de rêves. Une idée commence à naître dans ma tête : je devrais utiliser cette technique puissante pour « UPS ».

C’est comme si c’était fait. Mais ça ne l’est pas.

 

Il y a aussi les très mauvaises raisons de ne pas écrire : les autres ne vont pas comprendre mon histoire, je vais les perdre avec le scénario, je vais les décourager si j’écris quelque chose de trop bien (heureusement que mon héros est un bon coup), je dois encore attendre un peu, peut être que je dois faire un plan très détaillé et très scolaire avant. Je devrais d’abord tailler tous mes crayons, ranger ma chambre, me couper les ongles, faire les comptes très précisément depuis 2007, me gratter les clopes en fumant des burnes. Etc.

 

C'est le danger de la procrastination. Quand on crée, et même si parfois c'est difficile, il faut se mettre à l'oeuvre. Il est illusoire de penser que l'histoire va s'écrire d'un coup, comme ça, par magie. On se réveillera un matin, avec une ramette imprimée sur la table. Bizzarement, la première page portera le titre du roman que l'on a pensé écrire. Et dedans, il y aura tout ce qu'on a toujours rêvé d'écrire. 

La sonnette sonnera, elle sert à ça. On descendra les escaliers sauf si on habite au rez de chaussée et une éditrice blonde à forte poitrine nous prendra dans ses bras. On fera bloubloubloub, la tête coincée entre ses seins pendant qu'elle nous dira que c'est un travail formidable. Elle ouvrira le champagne dans la limousine dotée d'un jaccuzzi. Les bulles de l'ensemble seront fines et agréables. On enfilera alors, en plus de l'éditrice, un costume sur mesure. Tiens, on aura même des pectoraux. 

 

Ce sera parti pour le Goncourt, les groupies, les journalistes sous le charme. 

La légion d'honneur. 

La richesse. 

Le pouvoir. 

La célébrité. 

Enfin, on aura réussi. A moins de 50 ans on aura un best seller et une Rolex, ce sera tellement merveilleux. 

On sera peut être seul et alcoolique, triste à en mourir. L'éditrice sera une vraie morue. On n'en sait rien. Le fantasme ne montre jamais ce type d'aspect. Il est souvent orienté vers une unique destination : celle qui nous est vendue sur les publicités. 

 

19 mars : Retour à l’atelier, anagramme de réalité.

La même miss allemande. Il faut vraiment que je demande son nom. Pendant que les autres lisent, j’écris quelques rêves que pourrait faire mon personnage. C'était une des consignes pour cet atelier, je ne l'ai pas suivi. Je me coupe un peu du groupe ainsi. C’est plus fort que moi. J’ai besoin d’écrire ce truc là. Je n’écoute pas tous les textes. Désolé.

 

C'est mon tour de lire. Je lis ces rêves. Elle me dit que ce serait intéressant d’intercaller les deux : les rêves et la réalité. "Pour montrer komment le personnache se foit, komment les sotres le foient, et ce k'il ressent".

 

Benco ! Ca me rappelle mon rêve du messager dans le monde des souris, l'intuition d'écrire du rêve. C’est aussi pour ça je pense que j’avais besoin d’écrire ces rêves pendant l'atelier : j'avais quelque chose à partager avec elle. Elle a la fibre. La teutone. Elle me dit d’écrire, à nouveau. Elle est allemande : elle ne lachera pas le morceau. Elle est intelligente aussi : elle ne lachera pas le morceau. Elle sait que je dois le faire. 

 

Je reconnais que je ne l’ai pas fait. Je prends une immense claque émotionnelle, de la trempe de celles que je n'ai pas envie de prendre deux fois, une fois (j'habite en Belgique). C’était beau d’entendre les textes des autres. Ces moments de partage sont sacrés. Et j’ai été sacrément égoïste de ne rien écrire, de ne rien partager. 

 

David me dit de me jetter à l’eau maintentant que mon scénario est ficelé comme un gigot. Il a raison. Je ne me vexe pas.

Dans la voiture, je confis (de canard) à Adrien que j’ai peur d’écrire.

 

- On a tous peur. On a tous un idéal dans notre tête, et c’est pas facile de le mettre en mots. Mais vas y. Cette histoire est importante pour toi. Lance toi.

Il a raison. Je ne me vexe pas.

Mais mon héros reste un bon coup.

7 - Mars 2014 - Le début de l'écriture

24/03/2014

Je me lance le lendemain. Au matin. C’est parti. Je ne fais pas de plan : le scénario existe dans ma tête. Il ne comporte pas encore tous les détails, mais je sais où je veux. C’est ça se jetter à l’eau : s’assurer d’abord que le courant n’est pas trop fort et qu’elle est assez profonde pour faire la bombe sans finir en fauteuil. Et y aller. Sans prétention. Juste parce qu’il le faut. Qu’on le sent au fond de soi et que les autres le confirment.

 

J’écris dans le salon. Dans le covoiturage. Sur le place Stanislas à Nancy. Dans le restaurant.

Je parle de ce que j’ai écrit à mon ancienne prof de philo que je suis venu visiter. Elle me montre les liens avec le fonctionnement de régimes totalitaires ayant existé. Je suis heureux : j’ai eu les mêmes idées que les nazis ! C’est justement celles-là que je veux dénoncer. Je veux montrer les deux potentialités de l’être humain. La sombre et l’autre.

Alors je continue à écrire dans le joli bar près de la gare. Je pensais être fatigué. Je crée la chair de mon histoire pendant encore deux heures. Le squelette est suffisament solide pour supporter les tendons, muscles, ligaments, intestins, et autres organes reproducteurs largement développés de mon histoire. C’est une merveille de voir grandir cet ensemble. Je n’avais au fond aucune idée des scènes. Benoît avait raison : on est aussi créatif en écrivant.

J’ai écrit avant-hier et hier. Ce matin en me levant, j’ai pensé à faire un journal de bord. A raconter cette aventure qui va de l’intérieur vers l’extérieur, mais pas seulement. Le texte est sorti en un jet. J’ai remarqué que c’est ainsi quand je suis prêt.